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Les désordres de la loi du 24 mai 1955 relatif aux baux commerciaux

C’est à la fin du 1e siècle que la nation de la propriété commerciale est apparue. Elle avait pour objectif d’assurer la protection des commerçants face aux propriétaires des murs.
La notion des fonds de commerce a depuis fait son bonhomme de chemin. Elle s’est imposée dans la pra­tique comme étant le groupement d’un cer­tain nombre d’élé­ments hétéroclites, destinés à acquérir une clientèle
En droit marocain, c’est le dahir du 24 mais 1955 qui a consa­cré la protection du fonds de commerce par l’instauration d’un droit de renouvellement en faveur dit locataire commerçant. Ce droit déroge profondément au droit commun du louage. Il est connu sous le nom de propriété commerciale. Cette expres­sion qui n’a rien de juridique, marque bien le désir des commer­çants d’obtenir, sur les locaux dont ils sont locataires, un embryon de droit réel, démembré de celui du véritable proprié­taire. Cela en conférant à leur droit, théoriquement personnel, le caractère permanent qui fait la force du droit de propriété. Ainsi à l’expiration du bail, le locataire a droit soit au renouvel­lement de celui-ci, soit à une indemnité représentant le domma­ge que l’éviction lui a causé. Mais le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité pour l’une des deux raisons suivantes :
– s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du loca­taire : c’est le cas en cas de manquement de ce dernier à ses obligations.
– s’il est établi que l’immeuble doit être totalement démoli comme étant d’insalubrité publique, ou s’il est établi qu’il ne peut plus être occupé sans changer en raison de son état d’insécurité.
C’est le cas également dans le cas où le bailleur décide de démo­lir en vue de reconstruire.
Dans ce dernier cas, il devra payer au locataire évincé, préalable­ment à son départ, une indemnité égale au préjudice subi sans qu’elle puisse excéder trois ans de loyer au taux en vigueur au moment de l’éviction.
L’article 12 du dahir précise à cet égard que dans le cas où il est fait usage de cette faculté, le locataire a le droit de rester dans les lieux aux clauses et conditions du contrat primitif jusqu’au com­mencement effectif des travaux. Il jouit par ailleurs d’un droit de priorité de réinstallation dans le cas où l’immeuble reconstruit comporte des locaux à usage commercial ou artisanal.
En pratique, cette disposition est source de graves abus à l’en­contre des locataires commerçants. Ainsi un bailleur prétextera la volonté de démolir pour expulser un locataire sans indemnité aucune, alors qu’en réalité son objectif déclaré est de récupérer son local aux moindres frais. Il est vrai que la loi confère au bailleur une priorité de réinstallation mais elle ne fixe aucune obligation pour le bailleur de terminer les travaux dans un délai déterminé.
Conséquence de cette disposition complètement inadaptée aux contraintes économiques des entreprises : le locataire commer­çant se retrouve en état de cessation forcée de son activité avec tout ce que cela comporte comme conséquence grave pour notre tissu économique. Le droit de priorité de réinstallation reconnu au locataire par la loi ne résout aucun problème, puisque il est subordonné au respect de nouvelles conditions, très souvent lourdes à assumer par le locataire.
En somme, la révision de la loi me semble aujourd’hui une nécessité. Et je m’interroge sur les raisons qui ont poussé lelégis­lateur à laisser le dahir en l’état, malgré son caractère vétuste alors que l’occasion lui a été fournie au moment de la refonte du code de droit commercial en 1996 qui a abordé toutes les questions relatives aux fonds de commerce exceptées celles régissant les rapports entre les bailleurs et les locataires commerçants.

AL BAYANE N° 8957